Une journée sans nous.
«24 heures sans nous.» Nous ? Les «immigrés, descendants d’immigrés ou citoyens conscients de l’apport de l’immigration» à la France, «de toutes croyances, de tous bords politiques, et de toutes couleurs de peaux» selon le manifeste du collectif qui a lancé ce lundi 1er mars la «journée sans immigrés». Objectif : cesser le travail 24 heures. Ou au moins, pour ceux qui ne pourraient / voudraient pas poser une RTT, à ne pas consommer ou à signaler son engagement en portant un ruban jaune (sur le modèle de celui, rouge, de la lutte contre le sida). Frédéric, directeur de l’agence a été touché par cette initiative.
Aujourd’hui, je portais ce petit ruban jaune. J’étais en grève « à la japonaise », celle qui consiste à protester, mais à travailler. La dernière fois que j’ai participé à un mouvement de grève, c’était en 1986. A l’époque, on se battait contre le projet Devaquet de la réforme de l’université. ça ne me rajeunit pas… j’étais en première année de fac’ et je menais ma révolution…
A l’heure où en France, il est de bon ton de coller les mots « identité » et « nationale », j’ai pensé à mon arrière grand-mère Marocaine, à son mari qui répondait « Corse » quand on lui demandait sa nationalité, à mes ancêtres Italiens que je n’ai pas connus et à Joséphine de Beauharnais (je ne sais pas si c’est une légende, mais il parait qu’elle est dans ma généalogie…). J’ai surtout pensé à ma mère, née à Casablanca et Provençale de cœur, qui voulait m’appeler Vrederi (comme Vrederi Mistral, le poète), mais qui se disait qu’un jour, s’il me venait à l’idée d’habiter au nord de Montélimar, j’aurais peut être du mal à assumer ou à justifier ce prénom…
Aujourd’hui, j’ai fait grève pour mes collègues. Pour Nor, qui est Malaisienne et qui a besoin d’un visa pour aller passer deux jours à Londres ou dés qu’elle souhaite sortir d’Europe ; pour Manila, née en Bretagne de parents Laotiens, pour Andrés qui vit depuis près de 40 ans en France mais qui fait régulièrement la queue à la préfecture pour faire renouveler son permis de travail, pour Rachida, qui nettoie nos bureaux et vide nos poubelles tous les matins…
J’ai fait grève pour Maria-Dolores, (qui est née Espagnole), pour Zaira, mon ancienne collègue Venezuelienne qui s’amusait à essayer d’imiter mon accent quand je parlais espagnol, pour nos stagiaires Julie (qui nous a enseigné des rudiments de tagalog, la langue des Philippines) et Guillermo (qui s’habillait en bleu ciel et blanc lorsque les Argentins jouaient au foot).
Parce que si je devais me revendiquer d’une quelconque « identité nationale », je choisirais alors de déclarer avec fierté que dimanche (c’est du foot les filles), l’Olympique de Marseille est montée à Paris pour croquer le Paris Saint Germain 0 à 3. Buts de Ben Harfa, Lucho et Cheyrou. Même si deux entre eux n’ont sans doute pas oublié que du sang tunisien ou argentin coulait dans leurs veines, ils étaient juste dimanche « fiers d’être Marseillais »…