American Dream

Tout voyageur le sait. Le moment le plus stressant du voyage, c’est d’aller à l’aéroport, de s’enregistrer et d’embarquer. Après, le voyage peut vraiment commencer. Mais le voyage se mérite et l’accès au bonheur est parsemé d’embûches : RER en panne, périph’ bouché, alerte à la bombe, vol retardé, hôtesses revêches et j’en passe. Sans compter qu’il faut s’adapter aux coutumes étranges de certains pays.

Vous allez dire que je suis un peu snob, mais je reconnais avec humilité que je suis sensible au confort et j’essaie, c’est vrai, de voyager dans les meilleures conditions quand c’est possible. 
 
Lorsque je voyage en France avec ma carte Fréquence de la SNCF – 7 heures tous les week-ends, ça forge une expérience –, j’essaie toujours d’avoir une place à l’étage inférieur des TGV duplex (parce qu’en haut, ça vibre) et je me débrouille pour ne jamais devoir voyager dans un carré (vous savez, ces espaces clos où non seulement vous ne pouvez pas incliner l’écran de votre ordi’ portable mais où en plus, vous êtes certain de recevoir des coups de pied de votre voisin d’en face). 
 
Lorsque je voyage en Europe, j’emprunte très souvent une certaine compagnie low-cost orange : on y est serré, certes, mais le rapport qualité/prix est imbattable. Je fais fi des bagages payants (je sais voyager léger) et le plus souvent, un vol aller-retour en Europe me coûte 100 à 150 €. Ce type de tarif rend certains sacrifices très acceptables.  

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Lorsque je pars en mission en Asie ou en Afrique, j’ai la chance de voyager à bord des meilleures compagnies. Les confortables transporteurs du Golfe et d’Asie se battent pour m’inviter à « tester leurs services ». Ainsi, je réussis en général à éviter les compagnies européennes qui ont le plus souvent un service minable sur les vols long-courrier en classe économique. 
 
Il y a quelques semaines, j’ai dû faire un aller-retour aux États-Unis. Je suis parti le dimanche matin de Paris, suis arrivé à destination le soir-même (très tard) et j’en suis reparti le surlendemain aux aurores. Faire 30 heures de vol en 2 jours pour une réunion de quelques heures n’est pas très éco-responsable, j’en conviens.
 
Mais ce voyage a été surtout préjudiciable à ma santé mentale. Pardon Iberia, TAP Portugal ou autres compagnies européennes abhorrées de vous critiquer depuis des années ! J’ai découvert qu’il existe pire. Ne craignant pas l’adversité, j’ai en effet volé avec une compagnie des… États-Unis. 
 
Ça a (mal) commencé dés l’enregistrement : en ce dimanche matin blême, je suis arrivé tranquillement au terminal 1 de Charles-de-Gaulle (celui qui est en travaux depuis 10 ans et il faudrait déjà tout recommencer). Il se trouve que j’ai une amie qui est bien placée dans la compagnie qui allait me transporter et je savais que j’allais avoir toutes les chances d’être surclassé. Quand on vole en business, le personnel est en général aux petits soins, et ce dès l’aéroport. 
 
C’est sans compter que l’administration américaine a dépêché du personnel aux aéroports de Paris. Vous pensez être en droit de circuler librement en zone d’enregistrement (encore en zone Shenghen) mais une espèce de dragon se lance dans un interrogatoire nourri : « Qui a fait votre valise ? » (ben… moi !) ; « quand ? » (cette nuit) ; « depuis que vous avez fait votre valise, quelqu’un y a-t-il touché ? » (et là je commence à paniquer : je n’ai pas de caméra de surveillance chez moi, mon animal de compagnie est peut-être un passeur de drogue, et comme je me suis assoupi dans le RER qui m’emmenait à Roissy, je ne peux pas garantir à 100% que personne n’a touché à mon sac…). 
 
Surtout, ne pas s’énerver. Surtout, ne pas vouloir faire un bon mot du style : « Allez, puisque vous insistez, j’avoue : j’étais en retard ce matin et c’est un ami nord-coréen qui a préparé mon sac. Bizarrement, à l’arrêt de RER d’Aulnay-sous-Bois, un mec avec une tête de Pakistanais (ou d’Iranien, je ne sais pas) m’a demandé de prendre un truc et de le donner au transit à New-York à l’un de ses cousins ; j’ai hésité mais il m’a remis pour ce service une importante somme d’argent ». 
 
Le dialogue s’engage : 
–  Pourquoi allez-vous aux Etats-Unis ? 
–  Pour signer un contrat commercial, (et moi de me dire intérieurement : « non, pas pour assassiner le président ! »). 
–  Pourquoi avez-vous changé votre réservation 2 heures avant le départ du vol ? 
–  Parce que j’ai une amie au service commercial de la compagnie et qu’elle m’a accordé la faveur d’un surclassement s’il restait de la place dans l’avion. Et il y en avait. 
 
Bon, la police de l’Oncle Sam m’a à l’œil mais je suis passé. Mais c’est fou comme cette agent était mal entraînée : il est de notoriété publique que j’ai été mandaté pour faire un coup, même si je ne sais pas encore lequel. Tout ce que je sais, c’est que j’aurai besoin d’un peu de place dans l’avion pour amorcer ma bombe (d’où le surclassement parce que ma copine commerciale est de mèche) et que j’attends des ordres par une micro-oreillette indétectable implantée par un chirurgien cubain. 
 
J’attendais la question piège : « Avez-vous eu des relations avec des organisations nazies pendant la 2nde Guerre Mondiale ? » Je suis trop jeune pour avoir fait ça mais qui sait ? Avec la magie de la cryogénisation, j’étais peut-être complice ! 
 
Les ennuis continuent à l’embarquement. Ah ! C’est ça la classe affaires de la compagnie aérienne ? Je suis épuisé car j’ai passé ma semaine à préparer une présentation powerpoint dont je ne suis pas satisfait, j’ai dormi 3 heures cette nuit, ce (possible) contrat est vraiment important pour mon entreprise, je voulais dormir dans l’avion et je me retrouve dans l’équivalent d’une classe « confort » (laissez-moi rire) d’une compagnie charter des années 80 ! De toute façon, je suis tellement épuisé que j’arriverai à dormir
 
En fait, je ne vais pas dormir tout de suite car je vais faire une étude ethnologique du personnel navigant de la compagnie. Cela fera l’objet d’un prochain billet. 
 
Il est de mon devoir de vous avertir : en matière de transport aérien, tout ce qui se passe aux Etats-Unis finit par arriver chez nous avec 5 à 10 ans de retard. Préparez-vous : nous allons souffrir ! 
 
À suivre ici