Mes petits bouts d’ailleurs…

Il est toujours difficile de fermer un sac de voyage avant de prendre l’avion du retour (alors que leurs capacités étaient suffisantes lors du vol aller…) Comme la plupart d’entre vous, les conseillers de Monde Authentique rapportent de leurs pérégrinations des « souvenirs », témoignages de leurs découvertes. Ainsi, Guillaume a un drapeau de tous les pays qu’il a visités. Frédéric collectionne les statues de bois, Julie les galets et autres cailloux, Laure des sables de toutes les couleurs (non, les déserts ne sont pas tous identiques…), Manila dévalise les échoppes de douceurs sucrées et Clothilde rapporte toujours des objets incongrus. Son appartement est le témoin de ses nombreux voyages. Récit :

Retour à la maison : 472 photos à transférer sur mon PC. Le plaisir de revivre en images mon  périple indonésien tourne en une douloureuse chasse aux kilo-octets superflus : rizières en terrasse, temples balinais, plages sauvages de Lombok, mais aussi sourires, marchés, et toutes ces scènes de vie qui me touchent et que j’ai voulu rapporter avec moi.
 
J’avais pourtant entrepris une thérapie pour me défaire de cette habitude de transformer mes voyages en reportages-photos… Le déclic s’est produit un matin de janvier, alors que je célébrais mes 40 ans en admirant les trésors d’Angkor sous les premiers rayons du soleil. J’avais remarqué un couple de touristes coréens mués en photographes compulsifs qui mitraillaient à tout va, sans rien voir du temple de Bantey Srei : pas la moindre pause pour contempler les teintes rosées de cette merveille d’Angkor se refléter dans le bassin, ni même pour s’imprégner de la sérénité qui enveloppe ce lieu. 
 

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J’ai donc appris à observer « à l’œil nu » : je me pose, je flâne et surtout, je vis pleinement chaque moment du voyage. Si je n’épuise plus mon stock de cartes mémoire au cours de mes pérégrinations tropicales, je continue toutefois de céder à mon besoin de rapporter chez moi des petits bouts d’ailleurs ! 
 
J’aime voyager léger, certes, mais je ne peux m’empêcher de rapporter des objets à la fois trop fragiles pour être mis en soute et trop encombrants comme bagage à main… Fan de ce qui est « authentique » avant même d’intégrer l’équipe de Monde Authentique, je refuse catégoriquement de fouler le sol d’une boutique de babioles pour touristes.
 
Je préfère les objets du quotidien et ceux qui ont vécu. Beaux, simples, drôles, étonnants ou fonctionnels, j’aime ce qu’ils déclenchent comme souvenirs et comme repères. J’adore les détourner, leur donner un esprit décalé en leur offrant une seconde vie.  
 
Mes filles et mon mari s’inquiètent parfois en m’entendant dire: «  je crois que j’ai trouvé ce que je vais rapporter ! ». Matières naturelles, matériaux nobles, objets astucieux ou intemporels attirent inévitablement mon regard, car je sais que le beau peut se dénicher partout. Deviner mon improbable trouvaille est ainsi devenu un rituel de nos périples familiaux.
 
 
Je me remémore notre retour épique de Madagascar. Je ne pouvais pas me contenter des petites miniatures en alu qui ne prendraient pas de place au fond d’un sac, de l’arrosoir en boîtes de conserve de récup’ trouvé au marché d’Ambalavao, ou encore des deux petits tabourets en bois et corde de coco achetés sur le bord d’une route ! Je n’avais pas osé m’encombrer d’une pagaie en manguier dans le nord du Brésil… Sur le canal des Pangalanes, ma fascination pour le spectacle incessant des étroites pirogues, simples troncs d’arbres évidés, qui avancent lentement au rythme des rameurs ne trompe personne. De retour sur la berge luxuriante, je jubile lorsque Rigobert, notre guide, me fait cadeau de sa courte rame en bois ! Le lendemain, au moment de nous quitter, il m’offre encore une natte de palmes tressée par sa mère (emballage d’une totale discrétion pour passer ma pagaie en soute, transformé en une exotique tête de lit !). 
 
Je n’oublie jamais la provenance de mes trésors d’ailleurs ni les circonstances de leur acquisition : ce moment de complicité avec le jardinier de notre boutique-hôtel à Chiang Mai qui m’offre l’étonnant chapeau-respirant introuvable sur les marchés (ils sont confectionnés maison) ; ces échanges empreints d’humour avec le marchand d’une petite échoppe de balais en paille de riz à Kampong Thom ; le spectacle rythmé des sculpteurs sur bois façonnant des statues de bouddhas dans la cour d’un temple de Phnom Penh, à l’aide d’outils ancestraux… Les moments privilégiés d’un voyage sont ceux où la barrière de la langue disparaît et où les éclats de rire deviennent langage universel !
 

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Au hasard de mes flâneries dans le lacis de ruelles de Stone Town, à Zanzibar, je découvre avec émotion le studio du photographe Ranchod Oza, originaire de Goa, devenu photographe officiel de la famille du Sultan Khalifa. Un article de presse paru dans les années 2000 m’avait fait connaître ses fameux portraits et ses clichés qui représentent l’histoire et l’âme de Zanzibar. Son fils, qui a repris l’affaire à la mort de son père, m’aide à sélectionner des retirages en noir & blanc des photographies des années 30. Ma préférée : une Dauphine traversant une cocoteraie sur la piste désormais asphaltée et devenue l’axe routier principal de Zanzibar. J’aurais passé des heures à farfouiller dans cette caverne d’Ali Baba ! 
 
 
Je ne résiste pas à vous raconter ma trouvaille en Indonésie. A part des huiles de massage et un stock de chips de manioc, je n’y ai pas acheté grand-chose. Il y avait pourtant un objet que je voulais rapporter en France : une cage à oiseaux en rotin, dénichée dans un petit village de Lombok… je rêvais d’en faire une suspension. Les ombres géométriques de son tressage métamorphosent aujourd’hui le plafond de l’entrée de mon appartement haussmannien en un insolite tableau ! 
 
Vous vous demandez peut-être à quel capharnaüm ressemble mon appartement… Je l’avoue, je ne suis pas à l’aise dans les agencements conventionnels et systématiques. Mon appartement haut perché ressemble simplement à mes voyages. C’est un mélange maîtrisé de mobilier et d’accessoires hétéroclites, de tons neutres et de touches de couleurs fortes, rythmé par d’imaginaires carrés muraux remplis de cadres-photos chinés, dynamisé par des notes d’humour et réveillé par mes irrésistibles petits bouts d’ailleurs… Chaque objet a été détourné et a trouvé son utilité : le cageot à mangues acheté à un fellah sur le marché populaire d’Assouan est devenu bac à BD ; les couverts en bois de diverses origines ont chacun leur usage spécifique ; le panier à crevettes d’un pêcheur de Basse Amazonie sert de corbeille à tri sélectif, etc. 
 

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En bref, mon appartement est le reflet d’un monde qui bouge. Influences, styles et matériaux éclectiques, subtils contrastes moderne/ancien, classique/industriel, d’ici/d’ailleurs : j’adore composer des mises en scène inattendues et sans cesse renouvelées. Il est ma source d’inspiration et… me permet de m’évader tout en restant chez moi ! 
 
Et vous, si vous ne deviez garder qu’un petit bout d’ailleurs, quel serait-il ?